Les dernières années ont bousculé le secteur culturel. Face à cela, l’enjeu des politiques culturelles est de pérenniser leurs missions et parer à ces fragilités, en s’inscrivant dans une logique de sobriété et de diminution de leur empreinte environnementale. L’accroissement des vulnérabilités territoriales concernant l’ensemble de nos modes de vie et régimes d’habitation les contraint à s’adapter, se transformer et se réinventer.
Dans ce contexte, la plateforme clermontoise interrogera la manière dont les politiques culturelles sont repensées pour contribuer à œuvrer durablement et directement à la réorientation écologique des territoires afin d’assurer leur habitabilité. Que peuvent faire les politiques culturelles pour contribuer à la réorientation écologique des territoires ? Comment vont-elles s’inscrire dans des enjeux territoriaux complexes et systémiques appelant un pas de côté pour fabriquer du commun ? L’hypothèse principale retenue ici est que la réorientation écologique des territoires oblige à interroger le rapport nature-culture qui prévaut dans notre culture moderne et sa posture « naturaliste ». En considérant qu’il s’agira moins demain d’ «habiter entre humains dans la nature» que de «cohabiter avec une multitude d’entités vivantes» qui composent nos espaces vie, nous souhaitons interroger la manière dont certaines politiques culturelles et approches artistiques, de leur conception à leur mise en œuvre, de leur pilotage à leur effet dans les territoires, déplacent le rapport nature-culture, élargissent le champs relationnel entre les humains et le vivant, inventent des diplomaties interspécifiques, tissent de nouveaux liens et instaurent des régimes d’attention moins destructeurs, plus écologiques. Pour tester cette hypothèse, trois axes d’investigation sont envisagés.
La plateforme souhaite interroger la manière dont les politiques culturelles œuvrent à la « culture d’un territoire » définie d’un point de vue anthropologique : comment elles la façonnent, la fertilisent, la sédimentent, la sensibilisent, l’animent la lient, la dessinent… On s’intéressera plus particulièrement aux politiques culturelles qui s’inscrivent explicitement dans des stratégie de sensibilisation à et de préservation l’environnement comme l’on peut en trouver dans certaines institutions et/ou territoires pour évaluer la manière dont celles-ci esquissent un autre rapport de leurs « usagers » au vivant, en renouvelant les codes et les normes, élargissant les formes de gouvernance et de pilotage, les régimes de relation et de cohabitation, les imaginaires et les attachements.
La réorientation écologique des territoires, à partir du moment où l’on en fait un enjeu culturel, renvoie inévitablement aux registres des représentations, des émotions, des imaginaires, des récits, de la sensibilité et des attachements, donc à ceux qui contribuent à les façonner par leur création. Comment les artistes, et l’ensemble des acteurs culturels associés, parviennent-ils à concilier leur liberté de création avec l’enjeu de réorientation écologique des territoires ? On s’intéressera plus particulièrement à ceux qui par leur œuvre, leur esthétique, leurs protocoles de travail, leur déontologie etc. manifestent déjà une implication dans la réorientation écologique des territoires, pour envisager ce que ces pratiques artistiques et culturelles apportent à l’enjeu d’écologisation de nos modes d’habiter et d’élargissement de notre rapport au vivant.
La question appelle un double enjeu de recherche : d’abord celui d’inscrire les conditions d’un récit alternatif pour les politiques culturelles, pensées non seulement comme un équipement culturel dans le territoire, mais aussi comme une manière différente de faire projet territorial avec tout celles et ceux qui le composent ; ensuite celui d’un développement de nouvelles postures dans la construction de ces politiques culturelles, en suscitant l’appropriation de démarches nouvelles de médiation et d’implication citoyenne. De fait, la fabrique de politiques culturelles irriguant la réflexion sur l’habitabilité des territoires par la réorientation écologique ne va pas de soi. Elle oblige à construire des dispositifs d’interactions et d’actions qui permette de créer des liens pour favoriser les pas de côté, pour une médiation qui n’empêche pas la création et une création qui autorise l’ouverture à des dispositifs d’enquête des processus à l’œuvre. Le recours à l’expérimentation, l’enquête, la réflexivité ou bien encore la médiation sont des ressorts qui permettront d’analyser la capacité d’appropriation de ce cadre d’analyse des politiques culturelles comme élément de recomposition des territoires et avec une visée prospective affirmée.
Équipes
Partenaires
Pierre CORNU, Professeur des universités, Directeur de l’UMR Territoires (AgroParisTech, INRAE, Vetagro Sup, UCA)
Simon TEYSSOU, Directeur de l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Clermont-Ferrand