Métabolisme et métropole - La métropole lilloise, entre mondialisation et interterritorialité
Sabine Barles, Marc Dumont
Les quatre-vingt-dix communes de la Métropole Européenne de Lille hébergent plus de 1,1 million d’habitants et de multiples centralités. Engagées de longue date dans des démarches de coopération, elles sont amenées, avec la constitution de la région Hauts-de-France, avec également l’accentuation de problématiques environnementales, à se pencher à nouveau sur les modalités de leurs échanges, au sein de la métropole autant qu’avec les villes proches, les villes belges de l’Eurométropole, Bruxelles et au-delà. Il s’agit d’interroger la possible constitution d’un modèle de métropole en réseau, pouvant créer des complémentarités entre centralités à une large échelle.
Les métropoles nécessitent, pour satisfaire aux besoins de leurs habitants, des échanges d’énergie et de matières, dont la gestion implique des coopérations avec d’autres territoires. Ceux-ci peuvent en effet produire ou stocker les ressources nécessaires aux métropoles (appelés intrants), être traversés par des flux de ressources ou encore être concernés par la gestion des déchets au sens large (ou extrants). Il s’agit d’observer la circulation de ces flux, mais aussi l’organisation des collaborations institutionnelles autour de leur gestion. L’analyse du métabolisme de la Métropole Européenne de Lille et de ses territoires voisins se centre notamment sur la ressource en eau : sa qualité, les modalités de partage des nappes phréatiques à l’échelle de la région transfrontalière, de gestion des eaux usées ou encore de valorisation et de protection des espaces humides et des champs captants. Ces réflexions sont menées dans le contexte plus général de l’analyse de la prise de la compétence « Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations » (GEMAPI) par la métropole et dans le contexte du grand projet transfrontalier de « l’Espace bleu », porté par l'Eurométropole.
En matière de développement économique, les logiques de concentration et de compétition continuent à primer dans l’aire métropolitaine lilloise, à la fois entre les centralités métropolitaines et avec les villes moyennes proches. Il s’agit d’étudier comment ces logiques peuvent être dépassées, de façon à construire un intérêt commun à coopérer et pour structurer une métropole en réseau « productive », dont l’attractivité bénéficie à toute la région. Pour ce faire, il est proposé de confronter les stratégies de certaines collectivités territoriales visant à promouvoir les tiers-lieux productifs et les stratégies de localisation des acteurs de l’économie collaborative. L’observation des modalités de mise en place d’une gestion plus concertée de la ressource foncière pour les activités économiques et commerciales vient compléter l’analyse, en particulier dans le contexte transfrontalier : la proximité des zones d’activités wallonnes et l’attractivité de celles flamandes incitent à la recherche de complémentarités.
L’étude des coopérations de la Métropole Européenne de Lille implique d’observer aussi bien les rapports entre les communes faisant partie de la métropole, ceux avec les villes moyennes proches (notamment dans le territoire du bassin minier), mais aussi les échanges transfrontaliers avec la Belgique. Il s’agit d’une part d’analyser l’évolution historique de ces relations, notamment pour rendre compte des conditions politiques de leur instauration et de leurs apports effectifs aux territoires. D’autre part, une attention particulière est portée aux outils institutionnels et techniques de maîtrise d’ouvrage et aux dispositifs spécifiques mobilisés pour mettre en place, pérenniser et rendre opératoires ces coopérations. Les mêmes questions concernent les relations transfrontalières, elles aussi dépendantes de conditions politiques, institutionnelles et techniques, et qui impliquent, en plus des collectivités territoriales, les États français et belge.
Sabine Barles, Marc Dumont
Les entités territoriales sont découpées administrativement en différentes structures qui correspondent à des échelles et des compétences distinctes. Ce maillage administratif ne coïncide pas nécessairement avec ce que l’on identifie comme les bassins de vie, ni avec les espaces vécus par les populations qui les composent. Ce constat amène à envisager les relations que peuvent entretenir ces entités territoriales les unes avec les autres.
Les enjeux de biodiversité et de ressources naturelles tels que leur préservation et leur gestion s’inscrivent dans les territoires, au-delà des périmètres administratifs, et permettent de repenser les complémentarités entre territoires. Les flux de matière et d'énergie mis en œuvre dans le fonctionnement d’un territoire et analysés au prisme du métabolisme urbain, donnent à voir les jeux d’acteurs qui les structurent et leur inscription territoriale, au-delà de la simple dialectique territoire servant / servi.
Les relations entre deux espaces contiguës de part et d’autre d’une frontière administrative ou physique, ou relations transfrontalières font l’objet de cas d’étude spécifiques dans les coopérations territoriales. Elles illustrent le partage croissant des politiques territoriales entre de nouveaux acteurs, qui agissent pour que des solutions communes puissent être trouvées aux défis communs. Selon les contextes géographiques et les enjeux des territoires, ces coopérations transfrontalières varient de la gestion des ressources, aux projets urbains transfrontaliers.
Le développement économique des métropoles, villes et territoires, et leurs modèles économiques soulèvent des enjeux de résilience, d’attractivité du territoire, de bien-être social, et de réduction des inégalités socio-économiques. Les tendances économiques actuelles telles que la délocalisation, la mise en concurrence des territoires ou encore la spécialisation tendent à s’orienter vers la coopération économique entre les territoires. La recherche au sein des plateformes POPSU s’attache à observer ces modèles, leurs jeux d’acteurs et leurs transitions actuelles.