L’autre face des politiques d’attractivité concerne les dispositifs ciblant des populations créatives. Les théories de l’économie urbaine tendent à démontrer que la compétitivité d’un territoire se retrouve dans sa capacité à attirer une population spécifique permettant l’essor d’activités innovantes, une valorisation de l’image de la ville et des investissements économiques sur le long terme. L’investissement des agglomérations dans les projets universitaires en est un des créneaux phare. L’analyse de la politique d’Allocation d’Installation Scientifique (AIS) rennaise, à la fois soutien via des individus aux structures de recherche du territoire, et soutien à la créativité, révèle des éléments contrastés. Cette politique complète, par un dispositif pluraliste, les soutiens régionaux ciblés sur des secteurs prioritaires de recherche, reproduisant dans sa sélection les critères de l’excellence (mobilité, expérience internationale...).
L’AIS apparaît systématiquement échapper aux facteurs conditionnant les choix de localisation des chercheurs : les déterminants de la localisation professionnelle en recherche publique restent avant tout régis par les capacités du marché de l’emploi et le capital de prestige des laboratoires. Mais le travail démontre que même en passe d’être inefficace, par des cheminements indirects et complexes, le dispositif semble répondre à la stratégie métropolitaine initiale de Rennes. S’il n’est pas un facteur d’influence sur les trajectoires professionnelles ou résidentielles, il est pour autant susceptible de contracter un processus de développement de la recherche grâce à des externalités positives qui en découlent. À l’échelle individuelle, les AIS facilitent le développement d’une recherche personnelle et l’ascension professionnelle, tout en proposant des répercussions globalement collectives mais aussi reconnues par les chercheurs comme un facteur de rétention, autour de trois vecteurs d’émulation : l’intégration poussée dans l’équipe de recherche et ses rapports sociaux, la « mise à l’étrier » par les premiers financements, et, enfin, comme signe d’une « marque d’estime » dans les relations ainsi établies entre les chercheurs et l’institution locale, le chercheur se voyant dès lors doté d’un statut de médiateur.
Second type de soutien à la créativité, les politiques d’internationalisation qui, via des lieux, ciblent les chercheurs comme « classe » stratégique. Infrastructures cruciales de ce processus, les Cités internationales d’accueil de chercheurs étrangers font l’objet d’un consensus entre les acteurs locaux. Elles résultent d’une large concertation entre acteurs de la communauté universitaire au sens large, lesquels dépassent, parfois très difficilement, leurs logiques d’institutions pour réfléchir à une logique d’optimisation de moyen dans le cadre d’un projet fédératif à l’échelle métropolitaine. Derrière ce consensus, l’étude révèle une faible réflexion en amont sur la capacité, le fonctionnement et la gestion de ces infrastructures, avec deux dysfonctionnements latents : leur seuil d’équilibre et leurs principes de gestion. Ces structures sont souvent déléguées à des prestataires maîtrisant mal le modèle cognitif du public, n’intégrant pas les caractéristiques du public international visé, et imposant des règles de financement et de rentabilité (longs séjours) peu compatibles avec les logiques des publics cibles. Si la mobilité internationale des chercheurs, son image d’attractivité territoriale restent portés en exergue par l’ensemble des acteurs, il n’en demeure pas moins que ces dispositifs ne sauraient à eux seuls être gage ni d’une attractivité ni même d’une rétention sur un territoire soumis à un système complexe de contraintes et de concurrences. Dès lors, loin de l’illusion d’une quelconque « prophétie autoréalisatrice », c’est bien dans une politique globale et partenariale que ces outils peuvent trouver leur efficacité, voire leur légitimité.
À l’échelle métropolitaine, l’analyse d’un autre lieu, numérique cette fois, la Cantine, permet d’opposer deux modèles territoriaux d’innovation, l’un (rennais) marqué par une trop forte tendance à l’institutionnalisation, et l’autre (nantais) illustrant la théorie des territoires numériques résilients, c’est-à-dire de territoires entretenant une périphérie active, faite de réactivité et alimentant d’air frais un centre porté par des structures de recherche, entre autres.