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De la filière au care
Confronté depuis une dizaine d’années à l’arrivée de personnes en situation de précarité, le bourg rural de Tonnerre, dans le département de l’Yonne, fait face au défi de la prise en charge et de l’accompagnement de personnes fragiles. À partir d’une étude de cas mobilisant la photographie documentaire et l’ethnographie réflexive, le projet vise à documenter les stratégies individuelles, collectives et institutionnelles de la prise en charge et du soin.
La ville de Tonnerre a connu une première vague de désindustrialisation dans les années 1980, une seconde dans les années 2000, dont les effets ont été redoublés par le retrait des services publics dans les communes périurbaines depuis la fin des années 2000. De part sa situation géographique (deux heures de Paris, à l’écart du réseau TGV et autoroutier mais connectée au réseau TER) et son histoire économique récente, la ville a connu des mouvements de populations liés à une offre importante de logements sociaux vacants et de logements anciens dégradés. Le repeuplement récent du quartier HLM d’une part, du centre-ville ancien d’autre part permet d’étudier les trajectoires de personnes reléguées en dehors des principales agglomérations de la métropole parisienne.
Les récents mouvements de population qui touchent la ville font du territoire un nœud pour analyser la relégation de certaines populations, mais également un laboratoire pour aborder la question du soin apporté aux personnes fragiles. En effet, différents acteurs (structures médico-sociales, associations d’habitants, associations caritatives ou d’insertion) y déploient des stratégies qui permettent à certaines personnes de « tenir » sur le territoire. Cette question concerne à la fois la dimension économique de l’existence quotidienne (« s’en sortir», ou pas), sa dimension psychologique – « supporter » l’inactivité quotidienne (Blum, 2017) – et le rapport à l’avenir constitué au fil d’une histoire de vie (apprentissage précoce de la survie, capacité économique à « tenir » face à l’adversité, reconstruction de sociabilités quotidiennes, capacité de transmission, attachement au territoire...). Le projet ambitionne de documenter et de valoriser, à différentes échelles territoriales (commune, intercommunalité et département) les multiples innovations produites localement par les élus, les professionnels et les bénéficiaires de la prise en charge.
Ce projet de recherche-action vise à la production d’une exposition mêlant photographie documentaire, cartographie, statistiques localisées et matériaux ethnographiques, pour rendre compte localement des résultats d’une recherche interdisciplinaire. Des séminaires de co-construction permettront de faire participer les élus locaux, les professionnels et les associations afin de croiser leur regard avec celui des personnes concernées, pour faire émerger des pistes d’amélioration de la vie quotidienne (rapport à l’avenir, santé, liens sociaux).
Alors que les personnes en situation de précarité sont présumées immobiles car n’ayant pas les ressources suffisantes pour se déplacer, cette Recherche/Action propose de considérer et d’analyser leur mobilité, pour mettre en lumière un angle mort de la statistique publique. Par ailleurs, alors que les études sur les mobilités résidentielles de la ville vers les campagnes se focalisent généralement sur des mobilités volontaires de personnes disposant de ressources économiques et culturelles, il s’agit ici de s’intéresser à un autre angle mort de ces migrations des villes vers les campagnes, les mobilités contraintes de personnes en situation de précarité vers des territoires qui font déjà face à d’importantes difficultés. Enfin, alors que les études sur les villes rurales se focalisent souvent sur les dynamiques de désindustrialisation et d’effondrement, il s’agit ici de faire émerger le caractère inventif, résilient et innovant des solutions apportées à l’échelle locale à la fois par les acteurs du care et par les habitants eux-mêmes.