Strategies des villes face aux changements climatiques
Face aux bouleversements climatiques actuels, se traduisant notamment par un réchauffement global qui pourrait croître de 1,1 à 6,4 °C d’ici à la fin du 21ème siècle selon le GIEC, de nombreuses mutations dans la fabrique de la ville sont actuellement en train de s’opérer. Parallèlement, divers phénomènes météorologiques tels que les événements pluvieux à fort cumul pluviométrique entraînant une augmentation des risques d’inondations sont à prendre en considération, tout comme les épisodes de sécheresse, l’incertitude sur les régimes des vents et les risques de tempêtes.
La ville, qui s’inscrit le plus souvent dans un milieu dense, n’échappe pas à l’influence de ces changements climatiques qui provoquent des effets d’îlots de chaleur urbains, facteurs de dysfonctionnements et d’inconfort. Un îlot de chaleur se caractérise par des hausses de températures parfois importantes dans le centre d’une ville par rapport à sa périphérie. Ce phénomène est généralement provoqué par l’accumulation d’un certain nombre de facteurs : urbanisme dense, circulation automobile intense, minéralisation excessive et déficit de végétal et d’eau dans les espaces publics. De nombreuses métropoles agissent pour lutter contre ce phénomène, dans le cadre d’un arsenal réglementaire d’outils qui restent à évaluer dont les PCET – Plan Climat-Energie Territoriaux et les plans biodiversité, mais également dans le cadre de la fabrique et du renouvellement des villes. Ainsi, on constate que différentes stratégies sont actuellement élaborées par les métropoles et qu’elles se mettent en œuvre au sein de projets architecturaux, urbains et paysagers à différentes échelles.
La plate-forme POPSU Europe propose d’interroger en 2014 les stratégies qu’adoptent certaines villes européennes face aux changements climatiques et de comparer la façon dont elles prennent en considération ces enjeux dans les projets d’aménagement, de renouvellement urbain et d’architecture. Quelles solutions proposent-elles, notamment pour atténuer les effets d’îlots de chaleurs urbains, mais aussi pour réduire la vulnérabilité humaine ? Quels impacts peuvent jouer les formes architecturales et urbaines, les dispositifs paysagers, ainsi que le choix de matériaux et de technologies de construction, pour atténuer le phénomène d’îlots de chaleur urbains ? Quelles cohabitations des climats dans des temporalités différentes ? Comment envisager ces solutions dans une logique plus globale de fabrique de la ville ? Le caractère systémique et multi-scalaire du phénomène d’îlot de chaleur urbain et d’urbanisme météorologique pousse à observer les différentes échelles de sa prise en considération, et à questionner les métropoles sur les logiques de transformation et d’adaptation qu’elles retiennent, en réponse à ces nouveaux enjeux. Pour mener à bien cette observation comparative des projets et des stratégies, la plate-forme POPSU Europe propose trois axes thématiques :
1. Gérer les contradictions entre formes urbaines et densification ;
2. Améliorer les performances énergétiques et environnementales des îlots de chaleur ;
3. Renforcer les outils règlementaires et d’évaluation pour une meilleure gouvernance.
Barcelone / Lyon / Marseille / Montréal / Nantes / Rennes / Rome / Stuttgart / Toulouse / Vienne
La forme urbaine constitue un des principaux facteurs de formation des îlots de chaleur en milieu urbain. Elle reste pourtant un des facteurs les moins bien pris en considération dans les approches urbanistiques et architecturales qui tentent de s’adapter au changement climatique. Certaines questions sont traditionnellement bien connues : Quel est le facteur d’accès à la lumière du jour ? Quels sont les effets de masques sur les constructions ? Quelles peuvent être les protections face au soleil ? D’autres font l’objet de recherches pour préciser par exemple comment le coefficient de régulation thermique prend en compte l’ensemble des surfaces horizontales et verticales du projet (qui vise à limiter l’effet d’îlot de chaleur urbain et à améliorer le confort climatique des espaces extérieurs) ? S’il est admis que ce coefficient est intéressant pour la conception architecturale, il est nécessaire de le repenser à plus grande échelle, et dans ce cas, il n’est pas possible de le limiter à l’échelle de la parcelle sans articulation avec les programmes qui la jouxtent. Ainsi, paradoxalement, la densification pour maîtriser l’étalement urbain a pour conséquence de renforcer les effets d’îlot de chaleur urbains, et par conséquent, les émissions de gaz à effet de serre,… Comment prendre en compte la contradiction entre la volonté de densifier les villes et celle de diminuer les effets d’îlot de chaleur ? Quelles évolutions des COS (coefficient d’occupation des sols), des CES (coefficient d’emprise au sol), quelles densités volumiques, faut-il envisager pour limiter les effets d’îlots de chaleurs urbains ? Quelles morphologies, quelles typologies induisent ou au contraire limitent les effets d’îlots de chaleur ? Quels espaces microclimatiques naturels, quels matériaux, quelles technologies, quelle biodiversité et végétalisation de la ville pour offrir un cadre de vie sain et agréable aux habitants ? Des exemples de réponses, apportées par les villes aux échelles territoriales (échelles du SRCAE et du PCET et du SRCE et du plan biodiversité), de l’îlot (échelle des OPATB, périmètre de quartier, et des OHAD, périmètre territorial) et de la parcelle (échelle de la copropriété ou du bailleur social) seront étudiées afin d’en extraire les bénéfices et les difficultés rencontrées.
Outre les outils de thermodynamique, de nombreux autres dispositifs sont proposés pour améliorer de façon passive les performances énergétiques et environnementales des bâtiments tout en réduisant les effets d’îlot de chaleur : augmentation de la place du végétal dans les bâtiments et sur l’espace public, rôle accru de l’eau dans le rafraîchissement de l’espace urbain, réduction de la circulation automobile, etc.
2.1 Les injonctions du végétal dans l’espace public et les bâtiments sur les effets d’îlots de chaleur.
Dans une logique d’atténuation des effets d’îlots de chaleur urbains, le végétal peut jouer un rôle essentiel. Toutefois, il reste à en évaluer l’impact. Quels sont ces nouvelles fonctions et usages du végétal en milieu urbain ? Comment la présence du végétal fait-elle injonction sur le climat de la ville ? Comment la végétation peut-elle contribuer à la réduction des effets d’îlots de chaleur ? Quels rôles de régulateurs jouent les jardins, publics ou partagés, les mails piétonniers, les toitures végétalisées ? Comment le végétal contribue-t-il à améliorer la qualité de l’air sur le plan climatique, et énergétique en milieu urbain ?
2.2 Le rôle de l’eau dans le rafraîchissement de la ville.
L’eau, à travers la mer, les cours d’eau, les lacs, les bassins, les fontaines, la récupération des eaux pluviales ou les réserves artificielles opère un rôle de thermorégulation dans la ville. Par exemple, elle favorise en période de forte chaleur, une baisse sensible des températures et contribue ainsi à l'amélioration du bien-être des citadins. Reste que de nombreuses questions sont à préciser : Comment réguler l’eau à l’échelle d’une ville en préservant son rôle de rafraîchissement sans la polluer. Comment inonder certaines zones en période de forte chaleur pour réduire les effets d’Îlots de chaleur urbain ?
Comment gérer les eaux de pluie à différentes échelles du territoire urbain et favoriser la perméabilité des sols, comment économiser l’eau dans des perspectives de sécheresse, comment l’utiliser comme élément de rafraîchissement en période estivale ?
2.3 Modes de déplacements doux : une réduction des émissions de CO2
Les plans de circulation mettant en œuvre des circulations douces, vélos, marche à pied, sont très favorables à la baisse des effets d’îlot de chaleur. Comment celles-ci sont-elles mises en œuvre et évaluées dans un contexte d’aménagement urbain plus global ?
Dans ce contexte de changements climatiques, des outils réglementaires apparaissent afin de faciliter l’adaptation des villes au changement climatique. Les SRCAE – Schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie et les PCET (plan climat energie territorial) ainsi que les SRCE – Schémas régionaux de cohérence écologique et le plan biodiversité - ont pour objectifs de préparer les villes aux évolutions climatiques à venir, mais aussi à fixer des objectifs pour une gestion raisonnée des ressources naturelles comme l’eau, les énergies fossiles, l’alimentation, ou encore la biodiversité. Quelles en sont les limites opérationnelles dans la conception des projets urbains ou architecturaux et des stratégies des villes ? Quels usages des outils réglementaires pour une adaptation et une atténuation face aux changements climatiques ? Dans quelle mesure les PCET et les plans biodiversité constituent-ils des supports dédiés à la prise en compte du climat dans l’urbanisme ? À quelles échelles la question des mutations climatiques doit-elle être prise en considération ? Dans quelle mesure les SCOT, les PLU-i et les PLU constituent-ils des documents d’investigation, de suivi et d’évaluation pour accompagner la lutte contre le réchauffement climatique et les îlots de chaleur urbains ? Comment dynamisent-ils les relations entre les institutions (état, région, collectivités), les professionnels (architectes, bailleurs sociaux, syndics de copropriétés,…) et les propriétaires fonciers ? Comment mobilisent-ils les citoyens ?
Équipes
Direction de la plate-forme Popsu
Virginie Bathellier
Direction scientifique du programme
Jean-Jacques Terrin, responsable scientifique
Jean-Baptiste Marie, secrétaire scientifique
Chercheurs du programme
Marjorie Musy,chercheur en physique du bâtiment et de la ville à l'Ecole Nationale Supérieur d'Architecture de Nantes (CRENAU), directrice adjointe de l’IRSTV
Anne Peré, architecte et urbaniste, enseignant-chercheur à l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Toulouse
Serge Salat,architecte, mathématicien, président de l'Institut des Morphologies Urbaines et des Systèmes Complexes